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Cet article est paru sur le site des anciens élèves de la Mission laïque française de Damas ; http://www.mlfcham.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1413&Itemid=1937

 

 

 

 

 

 

Au rendez-vous des mots

 

 

Idées-maîtresses : vie internationale, sons et émotions, archétypes sonores, informatique et statistique, Babel, eugénisme, inculture des journalistes,  optimisme.  

 

Tableau synoptique

 

 

Janvier 2013

Adib Gabriel Hathout

 

1.      Introduction

 

Rien n’a épargné autant de désastres aux habitants de notre planète que la langue commune. D’ailleurs, quiconque parle la langue d’un pays se verra honoré dans ce pays comme un ami.

 

Les idées qui sous-tendent ces propos ont été formulées, voici deux mille ans, par l’un des plus illustres linguistes de l’histoire proche-orientale, Philon d’Alexandrie[1]. Depuis lors, la compréhension mutuelle, notamment au moyen du langage parlé, est restée au centre de gravité de la paix dans le monde.

 

A travers ce texte, je désire contribuer à recentrer le débat sur les relations internationales autour d’une question culturelle qui me paraît fondamentale ; à savoir la relation entre la sonorité des mots et l’émotion de la personne humaine, indépendamment de la langue dans laquelle nous nous exprimons.

 

Trois éléments fondamentaux m’ont poussé à rédiger ces pages :

 

-          La richesse du patrimoine culturel européen en la matière. C’est notamment le cas pour les écrits du logicien allemand Wilhelm G. Leibniz, comme pour le linguiste français Carra de Vaux. Les longues recherches de celui-ci ont même eu le mérite de formuler la question du parler humain en termes d’instinct musical. 

 

-          L’informatisation de la recherche qui a facilité le décryptage des sonorités textuelles. Loin de nous arrêter aux allitérations passagères d’un verbe poétique, l’informatique a donné à la statistique mathématique le moyen de découvrir des mouvements sonores inaudibles à l’oreille qui n’a pas été avertie.     

 

-          La mondialisation des sociétés. Point d’autant plus important que les jeunes parlant plusieurs langues sont de plus en plus nombreux. Rien ne saurait arrêter cette tendance qui va influencer les goûts pour une recherche plus ouverte, plus créative et moins repliée sur une identité particulière qui ignore ou feint d’ignorer la double appartenance. 

 

 

 

 

 

2.      L’harmonie des langues selon Leibniz

 

Dans une étude sur les peuples et les langues, le penseur allemand Wilhelm G. Leibniz (1646-1716)  a proposé que les langues soient nées  « d’une sorte d’impulsion naturelle des hommes qui adaptent les sons à leurs sentiments et à leurs émotions.»[2] 

 

Les travaux de Leibniz dans ce domaine ambitionnaient une mondialisation et une globalisation de la pensée qui voulait supprimer les barrières entre les langues, et offrir « un instrument au raisonnement »[3]. Sa proposition du concept de calcul binaire circonscrit les préoccupations de notre penseur dans le large domaine de l’abstraction logique.  

 

Partant d’une perspective d’humaniste qui regarde le large du globe terrestre avec optimisme, ses réflexions sur les situations discursives particulières ont incorporé des mots de langues aussi diverses que le turc, l’arabe, l’anglais, le chinois et l’allemand. Ainsi, le mot « Kan » renvoie-t-il, selon Leibniz, à des significations voisines dans plusieurs langues : 

 

Tel est aussi le vocable « Kan » qui s’applique aux puissants, aux notables, aux rois. De fait, « Kan, Können » signifie « pouvoir » ; « King, König » « roi » ; or « Chaganus, Kan » veulent dire « chef » pour les Sarmates, les Huns, les Perses, les Turcs, les Tartares et les Chinois. En effet, dans la prononciation de la lettre K, nous percevons spontanément que s’exerce une force assez considérable du fait que l’air passe à travers un obstacle. Chaque fois donc que l’on rencontre une sonorité identique ou légèrement modifiée[4], qui soit commune aux Bretons, aux Germains, aux Latins, aux Grecs, aux Sarmates, aux Finnois, aux Tartares, aux Arabes, on est en présence d’une trace de langue ancienne connue ».

 

Quant à la toile de fond des travaux de Leibniz, il n’est pas excessif de la placer dans le contexte de la spiritualité chrétienne de la Pentecôte : «  ut omnis lingua laudet dominum » (Toutes les langues louent le Seigneur) avait-il, en effet, précisé dans une lettre du 26 janvier 1694 à Jean-Paul Bignon où il exposait son point de vue sur « l’harmonie des langues » et formulait le vœu de voir le Pater  traduit dans toutes les langues du monde. Or la locution « harmonie des langues » s’apparente d’autant mieux à la Pentecôte que cette symbolique est à l’opposé de la Tour de Babel à laquelle Philon d’Alexandrie (20 AC – 50 PC) avait consacré « La confusion des langues ».

 

Mythes ou réalités, je rappelle pour mémoire qu’à la tour de Babel des personnes qui s’expriment dans la même langue ne se comprennent plus alors qu’à la Pentecôte, des personnes qui s’expriment dans différentes langues se comprennent !

 

 

3.      Une formalisation de la ressemblance par la grammaire arabe

 

Une disposition de la grammaire arabe qui se prononce « ginas » (ﺠﻨﺍﺱ) apporte à la comparaison des mots une formalisation par laquelle nous « mesurons » en quelque sorte la ressemblance entre deux mots. Comme le veulent toutes les langues sémitiques, l’examen du mot s’appuie sur sa « racine » depuis les consonnes seulement. En langue arabe, les voyelles n’ont en effet qu’un rôle secondaire.

 

Il faut aussi noter que la tradition arabe recommande la plus grande prudence dans la comparaison des mots. Il n’est, en effet, pas de bon goût d’abuser du ginas avec des jeux de mots. La raison en est, qu’à côté de cette manifestation physique de la ressemblance, de nombreux facteurs interviennent dans la formation des mots. Aussi, le grammairien égyptien Al-Sayyouti (1445-1505) a recommandé que les comparaisons n’outrepassent pas le contexte d’un même dialecte[5]. Toute réserve observée, la grammaire arabe du « ginas » distingue deux grands types de comparaisons possibles : le ginas imparfait et le ginas parfait :

 

-          Le ginas imparfait met en relation des mots qui ont en commun un au moins des quatre critères de l’écriture : la nature des lettres, leur ordre dans le mot, leur forme et leur sonorité. C’est ainsi que les mots arabes de « barrer » et de « contrer » (صد  et  سد) ont un ginas imparfait. En effet, « barrer » se prononce « sadda » avec un « s » doux alors que « contrer » se prononce « sadda » avec un « s » fort qui n’existe pas en français  (respectivement  : et    ).

 

-          Le « ginas » parfait rejoint ce que la langue française appelle « polysémie » : plus d’un sens pour un même mot. Ainsi, le même mot ﺠﺒﺮ (prononcer « jabr ») peut signifier soit l’algèbre, soit le rassemblement de ce qui a été artificiellement séparé, soit la force.

 

Dans la mesure où l’approche de Leibniz est de la même famille sémantique que le ginas de la grammaire arabe, il est permis de se demander s'il connaissait ce trait de la grammaire. L'affirmative trouverait alors un argument dans une lettre du 22 novembre 1695 à Thomas Burnett of Kemney où Leibniz écrit

 

« Je suis persuadé que lorsque nos Européens possèderont mieux l'érudition arabe, ils découvriront bien des choses qui serviront à éclaircir la Sainte Ecriture tout autrement qu'on ne le croit »[6]

 

 

4.      La ressemblance entre les langues d’après Carra de Vaux

 

Je vais maintenant présenter une théorie qui s’apparente autant à la grammaire du ginas qu’à la théorie de Leibniz sur le lien entre sons et sentiments. Pour ne pas contraindre le lecteur à se reporter ailleurs, je reprends des éléments que j’ai déjà tenus sur le site des anciens élèves de la Mission laïque française de Damas (www.mlfcham.com).

 

En tant que professeur d’arabe et de linguistique, le baron Carra de Vaux a développé sa théorie sur la ressemblance entre les mots, au début du vingtième siècle, dans un environnement extrêmement aussi hostile à la rigueur scientifique qu’à l’amitié internationale.

 

Contrairement à l’usage de l’époque dans certains milieux linguistiques, Carra de Vaux a proposé sa théorie au bout de longues années de recueil de données et de réflexions basées sur les réalités des langues. En effet, après avoir dressé, en 1903, un tableau comparatif, il publiait en mars 1904, dans les Annales de Philosophie chrétienne, un article intitulé « Un grand problème de linguistique ». Il y montrait que les mots de deux langues supposées indépendantes ne se ressemblaient jamais sans raison (pensons à l’exemple de Kan, King et König donné par Leibniz. 

 

Quarante ans plus tard, notre linguiste poursuivait les mêmes recherches. En effet, dans un petit ouvrage à tirage (je cite l’auteur) « très restreint », publié en 1944, il a envisagé l'hypothèse d'après laquelle la racine bilitère est l'élément phonétique auquel l'instinct humain attache un sens indépendamment de la langue. Cet instinct, disait-il, est analogue à l'instinct musical ou architectural qui fait que telle mélodie ou telle ligne éveille telle impression : l'une légère, l'autre triste[7].

 

L’instinct musical dans les langues d’après Carra de Vaux.

 

« La racine bilitère est l’élément phonétique auquel l’instinct humain attache un sens. Cet instinct est analogue à l’instinct musical ou architectural, qui fait que telle mélodie ou telle ligne éveille telle impression : l’une légère, l’autre triste, grave, sautillante, etc. Il en est de même dans le choix de l’expression vocale : kr suggère l’idée de creuser, de dureté ; kt celle de choc ; ml celle de mollesse, vn celle de faiblesse, et ainsi des autres. Cette suggestion par les sons vocaux élémentaires semble être la même pour la plus grande partie de l’humanité. A partir de là, la racine se développe par l’adjonction d’une troisième radicale dans le sémitique, de préfixes ou de suffixes divers dans l’aryen, et ses sens fondamentaux peuvent alors être nuancés. Nous avons déjà autrefois indiqué cette théorie dans nos cours d’arabe. » 

 

Carra de Vaux proposait ainsi implicitement que les lois de la grammaire arabe étaient susceptibles d’être étendues à l’entendement humain !   

 

 

5.      Sons et sentiments à l’ère de l’informatique

 

Depuis le début des années 1970, les calculateurs ont donné à la statistique le moyen d’exécuter des applications encore inimaginables dix ans auparavant. S’agissant de l’analyse des sonorités selon les sentiers esquissés par Leibniz, autrement dit, en relation avec les émotions, des méthodes basées sur la géométrie d’Euclide[8] m’ont permis de visualiser les élans sonores du verbe qui passe de la douceur à la violence et inversement. Je dois aussi dire que, à l’époque que j’avais entrepris ces recherches au Laboratoire de Statistique mathématique de l’Université de Paris VI du Professeur Jean-Paul Benzécri, je n’étais au courant ni des travaux de Leibniz, ni de ceux de Carra de Vaux !

 

Aussi, l’examen de la relation entre sons et sentiments dans diverses langues (espagnol, italien, français) m’était apparu assez clair. Le cas d’un monologue de l’Hermione de Racine (Andromaque) ayant déjà été présenté sur le site de www.mlfcham.com, il est inutile d’y revenir[9].

 

Depuis lors, l’internationalisation de la famille et la mondialisation de la recherche scientifique s’étant largement confirmés, on peut donc dire sans craindre de se tromper qu’une grammaire internationale liant le son au sentiment, indépendamment des langues, sera une des pensées maîtresses de la statistique et de l’informatique du vingt-et-unième siècle. Ses applications iront, je n’en doute guère, à la musicothérapie et à la criminalité.

 

En effet, si une politique concertée au niveau français,  européen, et pourquoi au niveau international, permet à la communauté scientifique de demain d’établir une correspondance entre le sentiment et la sonorité, il sera plus facile de pénétrer dans le « discours intérieur » du criminel à partir de son « discours proféré » et par là même de mieux agir sur ses pulsions en lui insinuant la douceur de la conduite raisonnable, et la beauté de l’entendement humain qui prend conscience de sa propre existence.      

 

 

6.      Pourquoi la logique a-t-elle rétrogradé ?

 

Pour s’engager dans des sentiers aussi prometteurs en évitant les déboires, une chose essentielle reste à comprendre : pour quelle raison la communauté scientifique européenne n’a-t-elle pas pris conscience du caractère précieux des travaux de Carra de Vaux ? Pourquoi ces recherches n’ont-elles pas été communiquées aux générations futures de statisticiens ?

 

On pourrait être tentés de répondre en disant que la société d’alors n’était pas encore assez mondialisée, mais cette thèse suffit d’autant moins qu’à une époque où il n’y avait même pas l’avion, Leibniz comparait déjà des mots de diverses langues, et il avait même correspondu avec le Père Bouvet pour trouver les racines chinoises du calcul binaire ! On pourrait aussi être tentés d’expliquer cet immobilisme en disant que l’informatique n’était pas assez développée pour permettre à ce type de travail de progresser. Là aussi, l’argument ne résiste pas au grattage.

 

Le peu de cas qui a été prêté à la grammaire internationale de Carra de Vaux trouve son explication dans les préoccupations-mêmes de la société de l’époque en général, et de la statistique en particulier. 

 

S’agissant de la société, les travaux de Carra de Vaux se déroulent malheureusement dans une ambiance mentalement tendue entre la France et l’Allemagne. Pour avoir longuement lu et relu la presse de la période, je donnerai l’exemple d’articles de 1915 titrant « La barbarie allemande » ou, à l’adresse des Allemands « A l’approche des barbares »[10]. ! L’un et l’autre signalent l’inculture des journalistes d’alors. Peut-on, dans une telle ambiance de presse, demander aux Français de relire Leibniz et de nouer des recherches constructives avec les Allemands !

 

Quant à l’état de la statistique au sens immédiat du terme, au cours de la période où Carra de Vaux menait ses recherches, il est aisé de soutenir qu’elle était assez politisée pour devenir la marionnette de l’eugénisme ambiant. Par exemple, et comme le montrent les travaux du chercheur américain Edwin Bryant, les statistiques germaniques de 1915 étaient destinées à démontrer la supériorité de la race germanique[11].

 

Peut-on, dans ces conditions, inviter les puissances d’un Etat à raisonner sur la statistique en tant que branche des mathématiques, elles-mêmes partie du sentiment esthétique ! 

 

Une image des perturbations mentales qui faisaient rétrograder la logique au cours de cette époque nous est enfin proposée par certains milieux scientifiques allemands. Sans qu’il n’y ait dans leur langue de quoi les inviter à un « ginas » formalisé et raisonné au sens de la grammaire arabe, le nom du peintre italien Giotto était devenu, selon un professeur d’une université allemande un dérivé de « Jotte ». Ajouté à des comparaisons similaires sur lesquelles on ne perdra pas notre temps, la Renaissance italienne devenait d’origine germanique[12].

 

 

7.      Regarder le vingt-et-unième siècle avec optimisme

 

La France du vingt-et-unième siècle peut de réjouir de cette nouvelle génération de statisticiens qui, comme Arnaud Degorre et Julien Grenet ont compris l’engagement suicidaire de la statistique dans la bêtise des eugénistes[13]. Ces derniers ont oublié une des plus grandes lois du comportement humain, loi d’après laquelle aucune science ne peut se développer sur un terrain de haine. En effet, et comme l’a observé un des plus grands linguistes du Proche-Orient, Ephrem le Syrien (306-372) le sage ne hait personne :    

 

«  (…) car le sage ne hait personne et, s'il hait quelqu'un, c'est l'ignorant qu'il hait. L'ignorant, au contraire, n'aime personne, et s'il aime quelqu'un c'est son ami ignorant qu'il aime» [14]

 

Il nous reste à cerner le mécanisme de l’évolution qui nous permet de réfléchir comme nous le faisons aujourd’hui, avec des pensées qui ont traversé les humains d’Euclide (3ème siècle AC) à nos jours, en passant par Leibniz et Carra de Vaux. Etant donné que toute posture mentale s’appréhende et se comprend en relation avec son contraire, une étude minutieuse des étapes du progrès devra aussi approcher le mécanisme des maux qui, comme l’eugénisme précité, ont bloqué le progrès. C’est ainsi que nous pourrons cerner les lois qui prédisposent les faits et agir en direction de l’évolution vers le progrès.

 

En adoptant une démarche intellectuelle qui n’omet rien, et qui considère le plus long terme, Leibniz a découvert ce qu’il a appelé une loi qu’il a appelée « l’amour de Dieu »[15] ; et le même auteur de proposer à la langue française le terme « optimisme ».

 

Ironisé par des analyses d’un cas particulier et de court terme dans le « Candide » de Voltaire, l’examen de l’évolution du monde sur le long terme, voulue et pratiquée par Leibniz n’a pas eu les chances de s’épanouir. Mais par un détour de l’Histoire, ou de la Providence, aujourd’hui les mémoires des ordinateurs, qui doivent une pierre angulaire à Leibniz, nous invitent à nouveau à une lecture des évènements sur le plus long terme : c’est ainsi, et c’est ainsi seulement que nous verrons les lois stables à travers les manifestations muables de l’évènement[16].

 

Quant aux sources de la pensée optimiste, elle a sans doute ses fondations ancestrales dans l’Orient judéochrétien qui a établi la confusion des langues à Babel, mais qui a simultanément visualisé une perspective  où « toutes les Nations de la terre seront bénies » (Genèse : 22).

 

Pour agir selon l’optimisme formulé dans la Bible, Jean Damascène (7ème siècle) a proposé que l’image,- au sens large qui inclut l’étude de l’histoire de long terme,- nous aide à émuler le bien et à le construire. En effet, selon la Tradition reprise par Jean dans la « Défense des saintes images », seul le bien traverse l’épreuve du temps (sur le long terme), alors que le mal ne dure qu’au moment où il est fait (court terme) !

 

En consacrant un mot au verbe « soyez optimistes »  (تفاءلوا), l’Islam spirituel a implicitement approuvé la philosophie de l’image telle qu’elle se développait dans la Syrie du 7ème siècle. Un  proverbe arabo-islamique voudrait même que l’on visualise le bien pour trouver le bien : 

 

تفاءلوا بالخير تجدوه

 

 

 

 

 

 


Annexe

A la mémoire de Maurice Rousseau

 

Pour avoir discuté de la ressemblance entre les mots des langues avec un membre du Conseil d’Administration de l’Association Grecque Melkite Catholique de Paris - Maurice Rousseau, paix à son âme – je laisse à la diligence de la lectrice et du lecteur l’extrait d’un courrier qu’il m’a expédié en date du 15 novembre 2000. Maurice Rousseau a rejoint l’harmonie éternelle avant que nous puissions terminer notre dialogue sur l’harmonie des langues. En faisant part d’un courrier personnel, j’espère qu’historiens, psychologues, statisticiens et linguistes en profitent pour poursuivre la recherche sur ce sujet dans un esprit amical, loin de toute rivalité professionnelle.

 

Extrait d’un courrier de Maurice Rousseau

 

Paris, le 15 novembre 2000

 

Cher Ami,

 

Je vous remercie  (…) 

 

La recherche d’archétypes bilitères aux racines trilitères sémitiques, par réduction de ces dernières au moyen d’assimilations, mutations ou permutations consonantiques, selon des schémas parfaitement identifiés, est déjà ancienne, mais semble trouver un regain de faveur auprès des linguistes. Reste à savoir si cette réduction, en supposant qu’elle se révèle convaincante, conduira à un rapprochement entre les étymologies (…)

 

Bien avant Carra de Vaux, Fabre d’Olivet, dans un ouvrage de près de 700 pages intitulé « La langue hébraïque restituée » (1817), avait inséré sur 135 pages une liste de quatre à cinq cents racines primitives et toutes monosyllabiques » (…) de la langue hébraïque, comparées à l’arabe, au samaritain, au syriaque, à l’éthiopien… Il est surprenant que Carra de Vaux ait ignoré cet ouvrage qui, bien que dépassé aujourd’hui, contient des intuitions géniales pour l’époque.      

 

L’exemple de la racine KR que vous donnez est judicieux. Il faudrait ajouter, au vocabulaire usuel, la toponymie qui renseigne sur des états anciens (…). A de Paniagua, dans sa « Géographie Mythique » (1911), relève en maints endroits du Caucase les traces toponymiques de la racine KR, avec le sens « noir », qu’il oppose à des toponymes contenant la racine LB/LW, désignant tout ce qui lumineux et blanc (Cf. hébreu « laban », blanc, arabe « laban » lait, à comparer au grec « leukis » blanc, et latin « lac » et « lux », etc.)

 

Henri Dentenville, dans « La Mythologie Française » (1948), p. 96/97 énumère une longue série de sites légendaires de la Gaule antique qui associent des toponymes de racine GR, et des toponymes de racine BL. (…)

(…)

 

Cordialement

 

Signé Maurice Rousseau 

 

 

 

 



[1] « De Confusione Linguarum ». Paragraphe 13.

 

[2] Bref essai sur l’origine des peuples déduite principalement des indications fournies par les langues. 1710. Cf. Z#028, pages 172-173 pour le lien entre sons, sentiments et émotion.

 

[3] « L'harmonie des langues ». Par G. W. Leibniz. Présenté, traduit et commenté par Marc Crépon. Essai. 2000, notamment les pages 173 et 205. 

 

[4] Respectivement « ginas » incomplet et complet en arabe

 

[5] Et ceci, notamment lorsqu’un mot renvoie à des significations qui s’opposent. Cf. Page 90 « Langue et communication dans le discours polysémique ». Par Majeda Hana. Thèse de doctorat soutenue en 20 décembre 2000. Université de Paris Sorbonne.

 

[6] « L'harmonie des langues ». Par G. W. Leibniz. Présenté, traduit et commenté par Marc Crépon. Essai. 2000, page 150 

 

[7] « Tableau des racines sémitiques (arabe-hébreu) accompagnés de comparaisons ». Par le Baron Carra de Vaux. Librairie orientale et américaine. Paris. 1944. Page 25 pour ce qui est de « l’instinct musical ».

 

[8] Pour plus de détails sur ces méthodes. Cf. « L'Analyse des Données. Tome 2 : l'analyse des correspondances ». Par Jean-Paul Benzécri et collaborateurs. Dunod. 1973.

 

[9] http://www.mlfcham.com/index.php?option=com_content&view=article&id=406:sentiment-et-sonorites-en-poesie&catid=197:adib-hathout&Itemid=679

 

[10]« La barbarie allemande ». Par Henri Welshinger. « La Revue Hebdomadaire » 23 janvier 1915.

Et « A l’approche des Barbares ». Par Louis Bertrand. « La Revue Hebdomadaire » du 30 mars 1915.

Cette revue est disponible à la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (Université de Paris X - Nanterre) sous le code 8°P-111 3-4.

 

 

[11] Cf. « The indigeneous Aryan Debate ». Page 41 notamment. Thèse de Doctorat en Philosophie. Par Edwin Bryant. Université de Columbia. 1997

 

[12] Cf. « L’Antiquité en Allemagne ». Thèse de Doctorat, soutenue le 13 janvier 1990 par Aldo Battaglia à l’Université de Paris VII.

 

[13]Cf. « Eugénisme et statistique ». Par Arnaud Degorre et Julien Grenet. ENSAE 2002-2003. Disponible sur le site : http://www.jourdan.ens.fr/~grenet/Memoires/Eugenisme.pdf

 

[14] Extrait du testament d’Ephrem le Syrie du 7 juin 372. Traduit de l’arabe de  « Vie de Mar Ephrem le Syriaque » Par Mgr Ignatius Zakka 1er Iwas, Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient pour les Syriaques orthodoxes.

Editions « Alfi-ba’ ». 1984.   

 

[15] Cf. “L’amour de Dieu”, par W. G. Leibniz. Pages 216-217 de « Leibniz. La Monadologie». Édition annotée, et précédée d'une exposition du système de Leibniz. Avec note terminale sur les principes de la Mécanique dans Descartes et Leibniz par Henri Poincaré. Par Émile Boutroux. Éditions Delagrave. 1880. Achevé d'imprimer par SAGIM : mars 1998.

 

[16] Cet esprit est celui de la topologie, initiée par Leibniz dans « Analysis Situs ».