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décision »
Paru sur le site des anciens élèves de la Mission
Laïque Française de Damas : http://www.mlfcham.com/index.php?option=com_content&view=article&id=994:la-formation-de-lopinion&catid=197:adib-hathout&Itemid=1458
La formation de l’opinion 1.
Une stratégie itérative Novembre 2011 لا
تكن صلباً
فتنكسر Ne sois pas dur, sinon tu te casses (Proverbe arabe) Pour se faire une opinion sur les choses de l’existence
qui supportent plus d’une interprétation,- politique, société, ou économie,-
de nombreux penseurs ont proposé un self-control où on remet en cause ses
propres vues pour enlever la poutre qu’on a dans ses propres yeux. Bien
qu’elle s’applique à la recherche d’une vérité dans un domaine particulier,
cette gymnastique intellectuelle est d’ordre purement logique. Une stratégie de formation de l’opinion proposée par
Averroès (1126-1198) est exemplaire. Désireux de comprendre tous les aspects d’une
situation, le penseur andalou propose de s’éloigner de ses propres supposés,
étape après étape. Circonspect par rapport à ses prémisses, il commence
par envisager une opinion de départ, puis il lui oppose une objection
possible pour la rejeter au moyen d’une argumentation appropriée. Il énonce
ensuite un autre aspect de son opinion et il introduit une nouvelle
objection. Conformément à l’esprit démocratique, sa conclusion est une
synthèse qui reste ouverte aux discussions[1]. Parce qu’elle agit en temps successifs, cette
stratégie est dite « itérative ». C’est pourquoi, comme pour un
algorithme, elle peut être représentée sous forme d’organigramme (voir la
représentation en fin d’article). Le raisonnement itératif est susceptible d’être
utilisé pour se faire une opinion relativement stable en agissant
alternativement par l’accueil de l’information, la confection d’une opinion,
puis l’accueil d’une nouvelle information, puis la confection d’une nouvelle
opinion, ainsi de suite… Bien qu’il soit né avec la pensée de la personne
humaine, ce processus a été illustré de façon magistrale par un Père de la
logique aussi illustre que Sénèque (vers 4 – 65). En effet, dans sa lettre 84
à Lucilius, le
stoïcien latin préconise d’alterner la lecture et l’écriture afin de mieux
faire évoluer son opinion. Lecture et écriture, d’après
Sénèque « La
lecture nourrit l'esprit et, lorsqu'il est fatigué par la méditation, elle
lui redonne des forces, non sans réclamer pourtant une méditation. Nous ne
devons pas nous borner à écrire, ni non plus à lire ; la première activité
(je veux dire l'écriture) déprimera nos forces et les usera, l'autre les
brisera et les diluera. Il faut aller de l'une à l'autre, alternativement,
modérer l'une par l'autre, faire en sorte que tout ce qui a été recueilli par
la lecture soit mis en forme par l'écriture. Il nous faut, comme on dit,
imiter les abeilles, qui volent ça et là et butinent
les fleurs propres à faire le miel, puis elles préparent tout ce qu'elles ont
apporté et le disposent dans les rayons ... » [2] On observera enfin pour clore que le traitement de l’opinion,
abstraction faite du domaine où elle se déploie, est loin d’avoir été
« improvisé » par le logicien français René Descartes (1596 –
1650). Plus généralement, un monde ouvert aux
considérations méthodologiques où la logique nous invite, est également
ouvert à toutes les opinions et aux peuples de tous les pays du monde. La
logique étant à la pensée universelle ce qu’une langue est à une nation
particulière, les pensées que la logique propage sont un facteur d’unité
entre les peuples, et sans doute aussi d’amitié. Adib G. Hathout 1er novembre 2011 |